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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

sur la communauté des biens. Celui des Jésuites au Paraguay était de ce nombre. L’influence de la religion mettait ces prêtres en état d’exercer un pouvoir despotique sur les pauvres indigènes qu’ils avaient convertis ; il faut convenir qu’ils tempéraient ce pouvoir par le soin patriarcal qu’ils prenaient de leurs sujets. Cette espèce de gouvernement pouvait être adaptée à une tribu d’indigènes ignorants et étrangers à la civilisation ; mais elle n’aurait jamais pu faire un peuple libre, heureux, indépendant et riche. Je dois le dire encore, l’industrie de l’homme a besoin du stimulant de la possession et de la jouissance exclusive ; elle se proportionnera toujours à l’avantage personnel qu’il en retire.

Il y a, il est vrai, une secte, qui existe encore sous le nom de Moraves, qui se gouverne par des principes de communauté ; mais ce sont leurs principes religieux, qui seuls les mettent en état de maintenir ce système artificiel ; et leur société pourrait se comparer à un couvent de moines et de nonnes, plutôt qu’à une grande nation.

CAROLINE.

Je vois bien qu’il faut que j’abandonne la communauté des biens ; mais je ne peux m’empêcher de croire que la grande inégalité des conditions, qui a lieu dans l’état actuel de la société, est un mal très-réel.

En Suisse, où il y a beaucoup moins d’inégalité dans les fortunes qu’en ce pays, j’ai souvent admiré, et presque envié, les mœurs simples et innocentes de ses habitants. Ils semblent n’avoir pas d’idée d’une moitié de nos besoins, et ne pas éprouver la moitié de nos soucis.

MADAME B.

Les Suisses sont gouvernés par des lois douces et équitables, qui en font un peuple vertueux et heureux. S’ils ne composent pas une nation riche et populeuse, ce n’est pas faute d’activité, mais c’est que la nature du pays oppose des obstacles particuliers à l’agriculture et au commerce ; car les Suisses sont au contraire laborieux et entreprenants. J’ai vu souvent des hommes porter sur leurs épaules des hottes de fumier par des montées rapides, inaccessibles aux bêtes de somme ; et cela pour cultiver quelque petit coin de terre isolé, que l’on n’aurait pas cru digne de tant de peine. Les femmes,