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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

jointes à la suffisance, elles s’y habituent et passent insensiblement à l’état cultivateur et sédentaire. » Ces habitudes nouvelles et tous les arts qui s’y rapportent, des peuples nomades ne peuvent les avoir acquis que par des degrés fort lents. Ils ont vu que l’on pouvait multiplier les fruits de la terre ; que les plantes alimentaires pouvaient être propagées ; qu’il y a des graines qui se reproduisent chaque année, des animaux susceptibles d’être apprivoisés et rendus domestiques. Quand ils ont été munis ainsi d’un fonds nouveau de subsistances, leurs enfants ont été mieux nourris, leurs familles ont été accrues, la vieillesse et l’enfance ont été protégées et entretenues.

Mais ces peuples ne connaissent encore que les premiers éléments de l’agriculture ; combien n’a-t-il pas fallu de chances heureuses pour amener l’importante période de la culture du blé. Le blé n’a nulle part été trouvé sauvage ; les Grecs imaginèrent qu’une divinité était descendue du ciel pour le donner à la terre, et pour les instruire dans l’art de cultiver cette précieuse plante. Athènes, la Crète, la Sicile et l’Égypte, prétendent toutes au mérite d’avoir été le lieu où le blé fut cultivé dans l’origine. Mais quel que soit le peuple à qui nous sommes redevables de cette importante découverte, quels que soient les moyens employés pour y parvenir, il n’en est aucune qui ait eu une aussi grande influence sur le bonheur du genre humain. Toute faible qu’elle semble, cette plante résiste aux ardeurs de l’été et aux froids de l’hiver. Elle croît dans presque tous les climats, elle est propre non-seulement à la nourriture de l’homme, mais à celle d’une multitude d’animaux domestiques, et donne, par la fermentation, un breuvage agréable et salutaire. Le grain se conserve pendant plusieurs années, et fournit un moyen de subsistance si durable, que l’on a cessé de se défier de l’avenir, et que l’abondance a été assurée pendant le cours même des hivers les plus longs et les plus stériles.

Mais la culture de cette plante inestimable ne peut être entreprise qu’à l’aide de fonds considérables, d’habitations fixes, d’instruments aratoires[1], d’animaux domestiques, en un mot, de

  1. Les instruments d’agriculture sont d’abord d’une construction grossière et imparfaite. Dans quelques parties de l’Inde, la charrue d’un Indou, aujourd’hui encore, est faite d’une branche courbe très-grossièrement taillée en pointe, qui souvent est traînée par sa femme. L’emploi des animaux domestiques dans