Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/382

Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
CONTES POPULAIRES

ils nous en fourniraient plus qu’à l’ordinaire, sans pour cela en augmenter beaucoup le prix.

— Ils peuvent avoir une disette aussi bien que nous, observa Stubbs, et alors que ferons-nous ? Nos champs de blé qui auront été convertis en pâturages ne pourront pas de sitôt produire du blé.

— Cela ne sera pas nécessaire, maître Stubbs ; car si le commerce est libre, nous ne trafiquerons pas avec un seul pays, mais avec une douzaine, et il serait bien extraordinaire que les récoltes manquent partout la même année. Si la récolte est mauvaise chez nous, par exemple, il y a toute apparence qu’elle sera belle dans l’Amérique, qui est située tout à fait sur une autre partie du globe. Regardez quel immense terrain ! poursuivit Hopkins en examinant la mappemonde ; l’Angleterre n’est qu’une coquille de noix en comparaison : et où en serions-nous si nous n’avions à manger que le blé qui croit sur ce petit coin de terre ?

— Ce n’est pas bien à vous, John, de dire des choses au désavantage de notre vieille Angleterre ; toute petite qu’elle est, elle se tient ferme, et saurait tenir tête à plus d’un grand pays, si cela était nécessaire. Et pourquoi ne produirait-elle pas du blé pour sa consommation ?

— Pourquoi ? Précisément parce que nous sommes un grand peuple qui vit dans un petit pays ; nous sommes trop nombreux pour que la terre nous nourrisse.

— Mais, répliqua Stubbs, plus il y a d’habitants, plus il y a de bras pour travailler, et plus on doit cultiver le blé.

— Un pays ne s’agrandit pas à mesure que s’accroît sa population, et c’est la place qui nous manque.

— Allons donc ! Peut-on dire que nous manquons de terrains ; quand il y en a tant en communaux ?

— Oui, mais c’est de bon terrain que nous manquons, de terrain propre à produire du blé sans qu’il en coûte beaucoup. Si au lieu de vingt-six millions d’habitants que nous sommes à nourrir, nous n’étions que treize millions, peut-être la quantité de blé qui se récolte dans le pays serait-elle suffisante ; mais le peuple anglais forme une grande nation plus nombreuse, j’ose le dire, qu’aucune de celles qui sont sur la mappemonde. Quel peuple est plus commerçant que les Anglais ? Quel pays possède autant de manufac-