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CONTES POPULAIRES

— Eh bien ! laissons cela, reprit le seigneur ; mais tous, ma bonne dame Hopkins, vous n’auriez pas un seul morceau de sucre pour adoucir votre thé, sans le commerce que nous faisons avec les Indes ; ni vous, John, ce bon tabac dont je vous demanderai une prise, » ajouta-t-il en avançant sa main.

John frappa sur sa boîte, et, l’ayant ouverte, la lui présenta respectueusement.

« C’est comme pour la soie, dit Bob ; car, bien que nous puissions la filer et la tisser, notre pays est trop froid pour nous permettre d’y élever des vers-à-soie.

— Sans doute, oncle Bob, et vous ne pourriez plus fumer votre pipe, car l’Angleterre ne produit pas plus de tabac que de vers-à-soie.

— Mais je crois avoir entendu parler, objecta John, d’une loi qui autoriserait les Irlandais à cultiver le tabac ?

— Si la loi du pays le leur permet, je doute fort que celle de la nature s’y prête ; il lui faut le climat chaud de la Virginie en Amérique ; et à supposer qu’on réussit à le cultiver en Irlande, il coûterait beaucoup et ne serait pas bon.

— Alors, dit John, ne vaudrait-il pas mieux faire une loi qui, au lieu de permettre, défendrait la culture du tabac ?

— Le mieux est de ne faire de loi ni pour ni contre ; laissons les hommes semer, planter, acheter et vendre comme bon leur semblera ; ils jugeront bientôt ce qu’ils ont de mieux à faire.

» Si l’Irlande peut produire des tabacs d’aussi bonne qualité et à aussi bon marché que l’Amérique, on en cultivera, sinon, on y renoncera. Vous voyez donc, mes amis, que le commerce avec l’étranger offre un double avantage, puisque non-seulement il nous procure des objets de première qualité et à des prix modérés, mais encore des productions étrangères à notre climat, telles que les vins, le sucre, le tabac, les épices, les raisins de Corinthe, le riz, le coton, etc., et tant d’autres choses, qu’il serait trop long d’énumérer.

— Et comment ferais-je, s’écria madame Hopkins, pour régaler mes enfants d’un plumpudding le jour de Noël, sans le commerce, qui me procure du sucre, des raisins de Corinthe et des épices ? Puis, regardant sa fille Patty, elle lui dit : « Prenez votre robe, ma chère, et mettez-vous à la coudre ; j’aurais grand tort de ne