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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

le pays ? Si nos fabriques vont si mal, c’est parce que toutes nos belles dames font venir des pays étrangers leurs dentelles et leurs soieries. »

La pauvre Patty ne savait que répondre à sa mère, qui continuait à dénigrer cette robe, que d’abord elle avait trouvée si belle.

« Non, reprit madame Hopkins, il faut que ma fille se marie avec une robe de fabrique anglaise ; dis-le à Barton ; » et elle repoussa avec dédain la jolie robe.

« Ton père avait écrit à Nancy, qui travaille dans la fabrique de rubans à Nottingham, pour lui demander s’il y aurait quelque espoir d’y trouver une place pour ta plus jeune sœur ; mais elle a répondu que non : le commerce va trop mal, et on ne peut en attendre rien de mieux tant qu’on fera venir des rubans de France. Nous devons nous croire encore heureux, dit-elle, de ne pas la voir revenir chez nous, faute d’ouvrage. C’est indigne, et j’aimerais savoir si ma Nancy ne fait pas d’aussi jolis rubans qu’aucune ouvrière française ? Nos riches feraient bien mieux d’encourager l’industrie du pays, au lieu de favoriser le débit des marchandises étrangères. J’ai entendu dire à la femme-de-chambre de lady Charlotte que cette dame fait venir de l’étranger des ballots d’étoffes de soie, de rubans, de dentelles et de fleurs, et que, loin de s’en cacher, elle est très-glorieuse de montrer ces belles choses à ses amies.

— Je voudrais, dit Tom, qui aimait à rire, que messieurs les Français, au lieu de ces friperies qui ne servent qu’aux riches, nous envoyassent de bons pains avec du fromage pour nous autres pauvres gens.

— Et ils le feraient, si tu les payais, dit son père ; car ils ne sont pas si sots que de nous envoyer leurs marchandises gratis.

— Mais comment les paie-t-on ? reprit Tom. Mon oncle Bob, qui a voyagé en France, m’a dit que lorsqu’il entrait dans une auberge pour demander un pot de bière, on ne voulait pas prendre sa monnaie anglaise. »

L’oncle Bob, quoiqu’il n’eût encore rien dit, était dans la chambre ; il était venu chez Hopkins pour assister à la noce de sa nièce Patty.

Il ôta ses lunettes, posa la gazette qu’il lisait, et dit :

— C’est vrai, Tom ; mais ne dis donc pas que j’ai demandé de la bière, car on ne trouve que du vin dans ces auberges. Ils ont, en