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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

il y a peut-être cinq cents ouvriers réduits à la misère. Ajoutez à cela que les marchandises seront moins abondantes et plus chères tant que la fabrique n’aura pas été rebâtie et remise en activité, de sorte qu’après vous être querellés, battus, et avoir été punis les uns par la loi, les autres par leur propre sottise, vous vous retrouvez au même point d’où vous êtes partis. Peut-il y avoir une folie plus grande que celle qui porte les hommes à détruire les moyens par lesquels ils peuvent se procurer à bon marché toutes les choses dont ils ont besoin ? C’est à peu près comme si l’on brûlait les tas de blé, afin d’avoir le pain à meilleur marché. Non, croyez-moi, lors même que vous pourriez prouver qu’une machine est un mal, en voulant la détruire par la violence vous parviendriez seulement à augmenter le mal. Les manufactures feront toujours leurs marchandises aux prix les plus modiques, quoi que vous fassiez pour l’empêcher, et je dis Dieu merci, car plus elles seront produites à bon marché, plus elles se vendront à bas prix, et nous y trouverons tous notre avantage. Mais puisque vous préférez aller chercher fortune ailleurs, je désire de tout mon cœur que vous réussissiez, et je vous souhaite un bon voyage. »

En disant cela, Hopkins serra cordialement la main de Jackson, et ils prirent congé l’un de l’autre.

Hopkins espérait que ses arguments auraient produit un grand effet ; mais Jackson était trop aveuglé par ses préjugés et par les revers qu’il avait éprouvés pour que son esprit fût ouvert à la conviction ; tout en s’en allant, il murmurait entre ses dents : « Oui, voilà bien des belles paroles ; mais à quoi peuvent-elles me servir ? ça ne donne rien à manger. »