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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

si vous les louez de leurs bonnes intentions, du moins vous ne les louerez pas de leur prévoyance. Je tiens tout cela d’un de mes oncles qui est propriétaire dans cette partie de l’Angleterre ; il dit que la taxe y est intolérable pour ceux qui la paient, et quant à ceux qui la reçoivent, ils sont pires que partout ailleurs. Au commencement tout allait assez bien ; mais, dès que les jeunes garçons s’aperçurent que les hommes mariés avaient droit à une portion plus considérable de la taxe, ils ne songèrent plus qu’à se marier ; mon oncle se rappelle fort bien le temps où un jeune homme ne pensait au mariage qu’après avoir mis de côté mille à douze cents francs, et quelquefois davantage. Mais aujourd’hui, au lieu de travailler et de prendre ainsi l’habitude de l’industrie avant de se mettre en ménage, les jeunes gens se marient pour avoir de l’argent sans être obligés de le gagner, et commencent la vie avec des habitudes d’indolence et de paresse. C’était comme si les magistrats avaient conduit les jeunes couples à l’église, de même que vous parquez vos moutons dans la bergerie. L’année suivante il naquit un très-grand nombre d’enfants ; l’impôt de la taxe fut augmenté, et toujours ainsi jusqu’à ce que les enfants fussent en âge de travailler ; mais alors il manquait d’ouvrage pour tous, et la plupart recouraient à la paroisse, qui, de son côté, ne pouvant suffire à tous, manquait à ses engagements ; les jeunes gens commencèrent par murmurer entre eux, puis ils se mirent à voler et à piller ; car lorsque les hommes ne peuvent gagner honnêtement leur vie, ils résistent rarement à la tentation de se procurer d’une autre manière ce dont ils ont besoin, surtout lorsqu’ils ont été élevés dans l’oisiveté. Ensuite viennent la prison, les jugements et l’exportation, souvent même les galères. Ces mesures rigoureuses ne font qu’irriter ceux qui les ont si bien méritées, ils cherchent à s’y soustraire, et, lorsqu’ils le peuvent, ils écrivent des lettres menaçantes, mettent le feu aux fermes et commettent mille horreurs, comme nous l’avons vu l’automne dernier.

— Que Dieu le leur pardonne, s’écria madame Hopkins, car ce n’est pas leur faute, mais bien celle de leurs parents qui les ont mis au monde sans s’inquiéter s’ils y trouveraient une place.

— Oui, mais qu’ils apprennent à s’y bien conduire une fois qu’ils y sont, dit Stubbs ; c’est leur devoir.

— À quoi nous sert-il d’être industrieux et bon travailleur, ob-