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CONTES POPULAIRES

et mourant de faim, et si le travail du mari ne suffit pas à la subsistance de toute la famille, il ne nous reste qu’à mendier, emprunter ou voler. Ne vaut-il pas mieux, monsieur Stubbs, prendre ce que la loi nous accorde ?

— Je vous répète, moi, que c’est une mauvaise loi : mauvaise, pour les riches, parce que l’argent qu’elle exige d’eux, ils auraient pu l’employer à faire travailler les pauvres ; mauvaise pour les pauvres, parce qu’elle les encourage à se marier et à avoir des enfants, sans se soucier de l’avenir. Permettez-moi de vous demander, Hopkins, si en vous mariant vous avez pensé à la paroisse et aux secours qu’elle pourrait vous accorder en cas de détresse ?

— Je puis y avoir pensé, répondit John ; et certainement un homme prudent doit prévoir les mauvaises chances de la vie, ne serait-ce que pour se préparer à mieux les recevoir lorsqu’elles arrivent.

— Il vaudrait encore mieux ne pas s’y exposer. Vous n’avez pas compté sur vos propres efforts, John, mais bien sur la paroisse pour vous aider lorsque vous seriez dans le besoin.

— Eh ! pouvais-je faire autrement, puisque la loi a créé un fonds pour donner à ceux qui sont dans la misère, et qu’elle leur refuse tout autre moyen d’en sortir ?

— Mais si cette loi n’existait pas, il faudrait bien s’en passer, et vous convenez vous-même que vous ne vous seriez pas marié si jeune si vous n’aviez eu cette garantie pour l’avenir ; il en eût été de même pour d’autres ; chaque famille aurait eu moins d’enfants, et les ouvriers, se trouvant en plus petit nombre, auraient eu plus d’ouvrage et de meilleurs salaires.

— C’est ce que je disais l’autre jour à ma femme ; mais je n’imaginais pas que la taxe des pauvres pût y être pour quelque chose ; je suis certain que notre pauvreté vient de ce que nous avons trop d’enfants, et non de la taxe qui nous aide à les élever.

— Eh ! reprit Stubbs, qui est-ce qui encourage les pauvres à avoir trop d’enfants, si ce n’est la taxe ?

— Eh ! qui est-ce qui maintient nos gages si bas, dit John ? c’est la taxe, vous ne pouvez le nier.

— Non, sans doute ; mais je vous dirai encore que c’est la taxe des pauvres qui les fait vivre dans un état si voisin de la misère ; car ils ne doivent cela ni à leurs familles nombreuses, ni à la mo-