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CONTES POPULAIRES

— Nous le savons mieux que personne, répliqua sèchement madame Hopkins, aigrie de la réprimande du fermier ; nous en avons eu notre bonne part, et nous savons par expérience les soucis que donne une famille nombreuse : aussi John vient-il de rompre à dessein le mariage qui devait avoir lieu entre notre fils Georges et Betzy Bloomfield.

— C’est très-prudent, en vérité. Mais le voici lui-même. Eh bien ! John, combien avez-vous reçu de l’inspecteur ?

— Pas plus qu’il ne me fallait, répondit John d’un air bourru.

— C’est que je serais curieux de savoir combien il est sorti de ma bourse, dit Stubbs.

— Quoi qu’il en soit, repartit John, je ne vous en dois aucun remerciement  : ce n’est pas moi qui vous ai pris cela, c’est la loi.

— Oui, mais s’il n’y avait pas de pauvres gens comme vous, la loi n’aurait rien à me demander.

— Oh ! vous êtes riche, vous pouvez bien payer la taxe, et je vous dirai que s’il vous est désagréable de la payer, il ne nous l’est pas moins de la recevoir. Cette rétribution se fait avec tant de lésinerie et de si mauvaise grâce, qu’on dirait que ceux qui en sont chargés se dépouillent pour nous donner ; il est bien dur d’avilir ainsi la seule loi qui soit en notre faveur !

— Mais de votre propre aveu, John, ce n’est pas une bonne loi, puisqu’elle est mal vue de part et d’autre.

— C’est un moyen d’avoir du pain, observa madame Hopkins, et nous ne saurions nous en passer. C’est bien mal à vous, monsieur Stubbs, de chicaner mon mari sur cet argent qu’il reçoit de la paroisse, après que je vous ai dit tout-à-l’heure combien il lui en avait coûté pour le demander.

— Convenez, mes amis, qu’il est assez naturel que moi et tous ceux qui paient la taxe nous murmurions un peu de cette charge. Vous dites que je suis riche, c’est vrai que j’ai une petite propriété ; mais j’ai comme vous beaucoup d’enfants.

— Ils vivent sur votre fonds, dit John.

— Je désire, poursuivit le fermier, les élever aussi bien que possible et tirer le meilleur parti de ce que je possède. J’ai vingt arpents de terre en communaux ; j’en aurais fait un bon terrain si j’avais pu acheter une certaine quantité de fumier et payer le nombre d’ouvriers nécessaires pour labourer cet espace ; mais pen-