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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

acheter des outils et payer sa traversée, peut, après quelques années d’un rude travail, devenir un riche fermier et élever sa famille dans l’aisance.

— Mais tu m’as dit que les ouvriers y étaient très-bien payés ?

— Oui, un bon charpentier, ou un charron, y gagne bien sa vie ; mais les ouvriers des fabriques ne sont guère propres à ces métiers-là.

— Ne pourraient-ils pas trouver de l’ouvrage dans les fabriques d’Amérique, et y être bien payés, puisqu’il y manque des ouvriers ?

— Il n’y a pas encore de fabriques en Amérique ; jusqu’ici les colons ne se sont occupés qu’à défricher la terre.

— Et comment s’habillent-ils ?

— La plupart de leurs vêtements viennent d’Angleterre. Les terres qu’ils ont défrichées et ensemencées produisent une grande abondance de blé, dont ils chargent des bâtiments qu’ils envoient à Manchester et à Birmingham, où ils obtiennent en échange du coton, des étoffes, et toutes les choses dont ils peuvent avoir besoin. Le blé est leur monnaie ; ils s’en servent pour payer tout ce qu’ils achètent.

— Ce doit être un bon pays pour les braconniers, observa madame Hopkins ; il doit y avoir beaucoup de gibier dans ces grandes forêts, et beaucoup de blé pour le nourrir, et personne qui empêche les braconniers de chasser.

— Il serait inutile d’en tuer plus qu’on ne peut en manger, reprit John, car il n’y a personne à qui on puisse le vendre. Il n’y a pas de mal à savoir manier un fusil, on se procure ainsi de quoi mettre le pot-au-feu en attendant la récolte du blé.

— Il doit s’y trouver aussi beaucoup de fruits sauvages et des herbes bonnes à être mangées en salade avec le gibier ?

— Oui ; mais ce qui serait encore mieux, c’est d’avoir un petit jardin à côté de sa maison, et d’y planter des pommes-de-terre et des choux.

— De manière ou d’autre, dit Madame Hopkins, il y a trop de dangers à courir ; il vaut mieux rester chez soi.

— Oui, si l’on peut y gagner sa vie ; mais, dans le cas contraire, mon avis est qu’il vaut mieux chercher fortune ailleurs que de mourir de faim ou d’avoir recours à la mendicité ; mais il ne faut pas s’embarquer comme des imbéciles sans savoir ce que l’on aura à