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CONTES POPULAIRES

» Tout en parlant ainsi, ils se pressaient les uns vers les autres, comme pour se défendre mutuellement ; cependant, lorsqu’ils virent le géant leur sourire et qu’ils entendirent leurs parents leur assurer qu’ils n’avaient rien à craindre, leur terreur cessa, car ni père ni mère ne les avaient jamais trompés, et ils croyaient tout ce qu’ils pouvaient leur dire. Leur frayeur fit place à la curiosité, et au bout de quelques instants ils grimpèrent sur le géant, qui était toujours étendu sur l’herbe, et se mirent à jouer avec lui. Pendant ce temps Jobson et sa femme se consultaient pour savoir comment ils logeraient et nourriraient le géant.

» Il lui faudrait une chambre plus grande que toute la maison, et quant à sa nourriture, en un seul repas il dévorerait tout un carré de choux et un gros jambon. Jobson n’avait pas songé à tout cela, et il commença à douter d’avoir fait un bon marché.

» Nous ferons mieux de parler au géant, ma femme, dit-il, et de lui demander quelle sorte de repas il lui faut.

— Rien qu’une coupe d’eau fraîche, répondit-il.

— C’est bien de la modération ! reprit Jobson ; point de liqueur ni de bière ?

— Mais que mangez-vous, mon ami ? lui demanda la bonne madame Jobson, qui commençait à trembler pour sa cuisine.

— Je ne mange jamais, répliqua le géant ; fort comme je suis, je n’ai pas besoin de nourriture : ainsi, ne vous inquiétez pas de moi, et, pour ce qui est d’un logement et d’un lit, je n’en fais aucun usage : lorsque je ne suis pas occupé, je me repose sur l’herbe. »

Jobson et sa femme furent transportés de joie en entendant un si habile ouvrier ne demander ni salaire, ni logement, ni nourriture.

« Bientôt nous ne manquerons plus de rien, dirent-ils, pourvu qu’il soit toujours de bonne humeur et disposé à travailler.

— Nous ne devons pas trop exiger de lui, ajouta la femme, et faire tout ce qui dépendra de nous pour lui être agréable. »

» Jobson déclara à son nouvel ouvrier qu’il ne prétendait point qu’il travaillât lorsqu’il serait las.

« Ce que je ferai dépendra entièrement de vous, mes bons amis, répondit-il ; je travaillerai toutes les fois que vous aurez de l’ouvrage à me donner. Quant à la fatigue, je ne sais pas ce que c’est.