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CONTES POPULAIRES

» Jobson hésitait encore ; mais le géant le regardait avec tant de bienveillance qu’il prit confiance en lui et s’en approcha peu à peu.

» Pourquoi avez-vous peur de moi ? Est-ce à cause de ma taille élevée ? la colline qui est ici près est bien plus haute, cependant elle ne vous cause aucun effroi.

— Mais vous êtes vivant, dit Jobson, et j’ai lu des histoires de méchants géants ; jusqu’ici je n’en avais jamais vu, il est vrai, et je croyais que c’étaient des contes faits pour amuser les enfants.

— Je le crois aussi, répliqua le géant ; mais il y a dans la nature de véritables géants qui, loin d’être enclins au mal, sont disposés à faire aux hommes tout le bien qui est en leur pouvoir, et je suis un de ceux-là.

— Vous devez pouvoir faire beaucoup de bien ? reprit Jobson, car votre force doit égaler celle de Samson. »

» Et, réfléchissant combien il lui serait avantageux que le géant voulût bien l’aider dans ses travaux, il s’enhardit jusqu’à le lui demander. Le géant lui répondit qu’il était prêt à faire toute espèce d’ouvrage qu’il lui plairait de lui proposer : « Mais je vous préviens, ajouta-t-il, que, n’étant pas habitué à travailler dans cette île déserte, j’aurai besoin de quelques directions.

— Oh ! si ce n’est que cela, dit Jobson, je vous enseignerai bien vite le travail que vous aurez à faire. »

» Mais il lui vint à l’esprit que le géant voudrait un salaire proportionné à son travail, et il lui demanda avec anxiété combien il lui faudrait.

— « En salaire ! reprit le géant, je ne vous en demande pas, je ne sais pas même ce que c’est. »

» Jobson fut prêt à sauter de joie, à la pensée d’un laboureur qui ferait l’ouvrage de cent ouvriers et qui ne demandait point de salaire, et il allait courir chez lui pour annoncer cette bonne nouvelle, quand le géant lui proposa de le porter : cela lui épargnerait, dit-il, la peine de se fatiguer, et il arriverait beaucoup plus vite.

» Jobson ne s’en souciait guère ; ne voulant cependant pas le désobliger, il y consentit.

« Je vous paraîtrai étrange en vous demandant comment je dois vous porter, dit le géant ; mais jusqu’ici je n’ai porté personne, et je ne sais comment m’y prendre. »