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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Ce n’est pas assez ; la question est : Quel est le meilleur moyen d’enrichir le pays ?

MADAME B.

Un homme reste à sa place content de sa petite propriété ; il n’inspire à ses enfants que des vues modestes et des désirs modérés ; chaque année il met de côté quelque chose pour les besoins à venir.

Un autre plus ambitieux, se lève matin, travaille avec ardeur, déploie toutes les facultés de son esprit, pour employer son capital de la manière la plus fructueuse ; il fait aussi des épargnes sur son revenu ; mais cela n’empêche pas que sa richesse, toujours croissante, ne le mette en état d’être, dans sa dépense, toujours plus libéral et toujours moins réservé à se procurer des jouissances ; la première sans doute et la plus chère à son cœur est de sentir qu’il a élevé sa famille et que, par ses talents et son activité, il l’a placée honorablement dans le monde.

CAROLINE.

Tout homme qui aspire à s’enrichir est plus ou moins animé sans doute par l’espérance d’ajouter à ses plaisirs en augmentant son revenu. L’un espère devenir assez riche pour se marier ; un autre, pour avoir un équipage, ou une maison de campagne ; un troisième, pour établir ses enfants d’une manière honorable.

MADAME B.

De tels motifs excitent avec force au travail et à la frugalité ; et ces utiles habitudes survivent à la cause qui les a fait naître ; il n’est point rare de voir des hommes conserver le goût d’accumuler longtemps après qu’ils ont perdu celui de dépenser.

Le docteur Adam Smith observe, qu’avant l’introduction de quelques objets d’un luxe raffiné, les nobles en Angleterre n’avaient d’autre moyen de dépenser leurs richesses, que d’entretenir dans leurs maisons des hommes dépendants d’eux, et voués à la fainéantise, ou dont l’unique emploi était de flatter les goûts et la vanité de leur maître. Tel est encore à un certain point l’usage de la Russie, de la Pologne et de quelques autres pays de l’Europe. La consommation de vivres que faisait, il y a quelques siècles, la maison d’un grand seigneur anglais était peut-être cent fois plus