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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

« Peut-être en général serait-il mieux que le gouvernement ne se mêlât du commerce que pour le protéger et lui laisser suivre son cours. La plupart des statuts, actes, édits, arrêts, publications, des parlements, des princes et des États, pour régler, diriger ou restreindre le commerce, ont été, suivant nous, ou de lourdes méprises politiques, ou des artifices suggérés par des hommes artificieux, pour leur propre avantage, sous prétexte du bien public. Quand Colbert assembla quelques sages anciens négociants de France, et leur demanda leurs avis et leur opinion sur les moyens qu’il pourrait employer pour servir et avancer le commerce, leur réponse, après y avoir réfléchi, fut en trois mots : Laissez-nous faire. Un écrivain très-solide de la même nation a dit, que c’est avoir fait beaucoup de progrès en politique, que de sentir la force de cette maxime : ne pas trop gouverner, qui peut-être serait encore d’un plus grand usage en matière de commerce qu’en tout autre. Il serait donc à désirer que le commerce fût libre entre toutes les nations de l’univers, comme il l’est entre les différentes provinces de l’Angleterre. Elles se procureraient, par leur mutuelle communication, de nouvelles jouissances. Les provinces ne se ruinent pas par le commerce qu’elles font entr’elles ; les nations ne se ruineraient pas davantage, Jamais aucune nation ne s’est ruinée par le commerce, même le plus désavantageux en apparence. Toutes les fois que l’on importe des choses désirables qui surabondent, l’industrie est par-là même excitée et la surabondance est produite. »

CAROLINE.

Fort bien ; j’abandonne l’usage exclusif des objets de luxe anglais ; mais l’argument même par lequel vous venez de le combattre me porte à croire qu’il doit être sage de compter sur les produits du pays pour les objets de première nécessité. Si nous dépendions des pays étrangers pour notre approvisionnement de blé, que deviendrions-nous, lorsque ces pays, en temps de guerre, viendraient à en défendre l’exportation ?

MADAME B.

Cette question nous jetterait dans une discussion sur le commerce des grains ; il est trop tard pour l’entreprendre ; nous la renverrons donc à notre prochain entretien.