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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Oui, parce que les marchands tâchent de se supplanter les uns les autres en vendant au rabais.

MADAME B.

Il est donc de l’intérêt du marchand de limiter la concurrence, et de celui du consommateur de l’étendre. Et maintenant s’il s’agit d’un pays tout entier, lequel de ces deux intérêts doit obtenir la préférence ?

CAROLINE.

L’intérêt des consommateurs ; car tout homme consomme, même les marchands, qui, tout en désirant de prévenir la concurrence dans leur propre négoce, doivent la favoriser dans tous les autres.

MADAME B.

Nul doute ; ce n’est que par la concurrence, libre et ouverte à tous, que les prix désordonnés et les profits exorbitants peuvent être prévenus, et que le public peut être approvisionné de toute espèce de marchandise à aussi bon marché que le vendeur peut la céder.

CAROLINE.

Mais en fait d’objets de luxe, madame B., n’est-il pas permis d’encourager ceux que nous produisons nous-mêmes de préférence à ceux qui nous viennent de l’étranger ?

MADAME B.

L’état commercial de la France, sous le système prohibitif de Buonaparte, peut fournir une réponse satisfaisante à votre question. Les produits des Indes occidentales, dont l’achat était interdit aux Français, consistent principalement en certains objets de luxe, dont ils ne supportaient pas la privation. Ainsi, par exemple, ils s’occupaient, au prix d’un immense capital, à extraire le jus sucré de divers fruits et racines pour suppléer imparfaitement à l’usage du sucre ; ils cultivaient de la chicorée amère, dont la racine leur fournissait un mauvais remplaçant du café ; leur thé se composait d’herbes indigènes d’un parfum très-inférieur à celui de la Chine. En un mot, ils multipliaient le travail, pour produire des denrées d’une valeur inférieure. Sans cela, ils auraient été entièrement