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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Quel dommage que chacune des parties intéressées vienne ainsi arrêter ou gêner le cours naturel du commerce ! Le mal toutefois semble appeler le remède, comme un poison est quelquefois l’antidote d’un autre.

MADAME B.

Si nous sommes assez généreux, ou assez fous, pour mettre les étrangers en état d’acheter nos marchandises à meilleur marché, en payant pour eux une partie du prix, ne leur rendons-nous pas service, et ne nous faisons-nous pas du tort à nous-mêmes ? Est-il donc sage à eux de chercher à contre-miner cette mesure ?

CAROLINE.

Non ; je n’avais pas envisagé la chose sous ce point de vue. Il est réellement risible de voir deux nations, dont l’une s’efforce de se faire tort, et l’autre évite d’en profiter ; et qui, par l’action contraire de leurs mutuels artifices, laissent le commerce suivre son cours naturel.

Je suis actuellement tout à fait convaincue de l’avantage d’obtenir, par le commerce extérieur, ce que l’on ne peut produire chez soi ; mais j’avoue que je n’ai pas la même conviction par rapport aux marchandises, que l’on pourrait produire chez soi, quoiqu’avec un peu plus de dépense.

MADAME B.

Pourquoi ne serait-il pas de l’intérêt d’un pays, comme il est de celui d’un individu, d’acheter les marchandises partout où l’on peut se les procurer à meilleur marché ; il serait très-possible à l’Angleterre, comme l’a observé un écrivain ingénieux[1], de produire, avec une grande dépense de travail, le tabac qu’actuellement nous importons de Virginie, et les Virginiens pourraient, avec non moins de difficulté, fabriquer les draps que nous leur fournissons. Mais si notre climat est plus propre aux pâturages et celui de la Virginie à la culture du tabac, il est évident que l’échange de ces marchandises est un mutuel avantage.

  1. Sir Francis Divernois.