Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

tagent le désavantage général de la hausse des prix, sans qu’il leur soit possible de se prévaloir de la compensation qu’offre à d’autres la plus grande abondance de monnaie. Les hommes qui exercent une profession, et tous ceux qui reçoivent des salaires, sont finalement indemnisés par une augmentation de paie, mais le créancier de l’État n’a pas cette ressource. Son revenu va dépérissant, et il voit graduellement diminuer ses moyens habituels de jouissances, sans pouvoir se rendre compte de l’origine du mal qu’il éprouve ; car comme son revenu nominal ne change point, il ne s’aperçoit pas que sa fortune diminue.

CAROLINE.

Que je me faisais une fausse idée de la monnaie ! Loin d’être, comme je le croyais, la seule ou tout au moins la principale partie de la richesse, elle semble au contraire être la seule chose qui n’en fait pas partie, puisqu’elle ne contribue en rien à celle du pays. Une trop grande quantité de monnaie renchérit toutes choses ; le manque de monnaie met tout à bon marché ; mais il me paraît qu’un pays n’est pas plus riche d’un atome pour toute la monnaie qu’il possède. La monnaie donc ne peut pas être appelée richesse, mais purement un représentatif de la richesse, comme les jetons au jeu de cartes ; elle a pour usage principal de fournir un moyen d’échange, et une mesure imparfaite des valeurs.

MADAME B.

On ne peut comparer la monnaie aux jetons ; elle n’est pas, comme eux, un signe ou un représentatif de la valeur ; elle possède réellement, ou doit posséder, la valeur pour laquelle on l’échange. Un billet de banque, qui n’a aucune valeur intrinsèque, n’est qu’un simple signe de valeur ; mais quand vous achetez des marchandises pour une guinée, vous donnez une pièce d’or d’une valeur égale à ce que l’on vous donne en échange.

Pour juger si la monnaie fait partie de la richesse nationale, remontons à notre définition de la richesse. Nous disions, je crois, que tout objet d’utilité ou de luxe en fait partie. Maintenant jugez vous-même, si la monnaie, considérée comme moyen d’échange, ou comme étalon pour la mesure des valeurs, n’est pas éminemment utile, puisqu’en facilitant la circulation des marchandises, elle contribue indirectement à les multiplier.