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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

quelle les hommes d’une classe supérieure qui cultivent leurs propres terres font moins de profits que les fermiers ordinaires, et qu’ils n’entendent pas aussi bien leur métier, ou qu’ils y donnent moins d’attention. Un fermier ordinaire donne communément tout son temps à sa ferme soit comme inspecteur soit comme ouvrier. Un fermier d’un rang supérieur ne gagne point de salaires, et abandonne presque toujours à un substitut l’important office d’inspecteur. S’il fait d’aussi bonnes récoltes que le fermier ordinaire, il les fera à plus grands frais, et son gain sera réduit en proportion. Quant à la rente, comme il la reçoit à titre de propriétaire, elle doit être comptée à part.

CAROLINE.

Ainsi le produit agricole du pays serait probablement plus grand, si les hommes d’une condition supérieure à celle des fermiers ordinaires mettaient leurs terres à ferme, au lieu de se faire leurs propres fermiers.

Madame B.

Au contraire, il est, je crois, à désirer qu’un petit nombre d’hommes de cette classe, répandus en différentes provinces, cultivent eux-mêmes leurs terres. Comme ce sont en général des hommes plus instruits que les fermiers ordinaires, ils sont plus enclins à faire des expériences, à adopter les nouvelles méthodes qui, dans les divers travaux d’agriculture, promettent quelque succès. D’ailleurs la terre est souvent mise en meilleur état par le propriétaire, que par un fermier ordinaire, parce qu’il a le plus souvent l’avantage de pouvoir y verser plus de capitaux, et qu’il ne craint pas, en améliorant, de se voir obligé de payer une plus forte rente.

Townsend, dans son Voyage en Espagne, a fait quelques observations judicieuses sur les cultivateurs de cet ordre :

« En résidant sur leurs terres, dit—il, non-seulement ils dépensent, parmi leurs tenanciers, de l’argent, qui en circulant anime tout et produit une nouvelle richesse, mais ils s’amusent à faire des améliorations. En plantant, desséchant, rompant des terres en friche, ils tentent de nouvelles expériences, que leurs tenanciers n’auraient pu hasarder, et qui, si elles réussissent, sont bientôt adoptées par leurs voisins. Ils introduisent les meilleures races de bestiaux, les meilleurs instruments d’agriculture, les