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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Vous vous trompez sur ce point. Il est plus commun, il est vrai, de voir des marchands et des manufacturiers faire de grandes et rapides fortunes, qu’il ne l’est d’en voir faire aux fermiers. Ces classes d’industrieux emploient de plus grands capitaux, et il en résulte que leurs richesses ont plus d’éclat. Mais en tout les profits des manufactures et du commerce ne sont pas plus grands que ceux de l’agriculture.

CAROLINE.

Je ne peux pas comprendre pourquoi les négociants et les manufacturiers deviendraient plus riches que les fermiers, s’ils ne faisaient pas de plus gros profits.

MADAME B.

Observez que si les fermiers n’amassent pas autant de bien ni aussi rapidement que les marchands, ils se ruinent aussi plus rarement. Les risques du commerce sont plus grands que ceux du fermage. Le marchand est exposé à de fortes pertes causées par des circonstances qui affectent rarement le fermier, telles que la guerre, des changements de modes, de mauvaises dettes ; il faut donc en récompense qu’il fasse de plus gros profits.

CAROLINE.

C’est-à-dire que les chances de gain doivent balancer celles de perte ?

MADAME B.

Oui ; le négociant joue plus gros jeu. S’il est assez habile ou assez heureux pour que ses gains s’élèvent au-dessus de la moyenne, il s’enrichira plus vite que le fermier ; mais s’il manque de talents, ou que, par une suite de circonstances malheureuses, il essuie de grandes pertes, il fera peut-être banqueroute.

CAROLINE.

Mais, madame B., il faudrait considérer d’autre part que le fermier est exposé aux risques qui naissent de l’inconstance des saisons, cause qui agit sans cesse et sur laquelle il n’a aucun empire.

MADAME B.

Et dans nos climats toutefois cette cause produit rarement sa