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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

Combien le sort des manufactures est différent ! Là, l’homme doit faire lui-même tout l’ouvrage ; et lors même qu’il invente et qu’il emploie des machines, on peut dire que tout provient de son industrie, il travaille des mains ou de la tête ; tout est art.

MADAME B.

Nous sommes accoutumés à opposer l’art à la nature, sans considérer que l’art est naturel à l’homme. L’homme est doué de la faculté d’inventer ; elle lui donne un grand empire sur les forces de la nature, et il les fait servira son usage. Il étudie les propriétés des corps, pour les employer à son gré ; il voit certains corps flotter sur l’eau, et il en fait des bateaux ; il sent la force du vent, et il déploie des voiles ; il découvre les phénomènes de l’aiguille aimantée, et il s’en sert pour se diriger vers les contrées lointaines : mais l’eau qui porte les vaisseaux, le vent qui les pousse, l’aimant qui les guide, sont des agents naturels que l’homme force de se prêter à ses vues. On ne peut donc pas dire que ce n’est qu’en agriculture que la nature nous donne du secours. Le meunier ne lui est pas moins redevable de la mouture du grain, que le fermier de sa production. Dans les manufactures mêmes, la part de la nature, en ce qui concerne le travail, est quelquefois plus grande que dans l’agriculture. Vous pouvez vous souvenir que nous observions, en parlant des machines, que l’avantage qu’elles ont de faciliter le travail tient essentiellement à ce que nous employons les forces de la nature à faire la principale partie de l’ouvrage ; et il y a quelques procédés de l’art dont nous sommes entièrement redevables à la nature. Dans les blancheries, l’air et la lumière font tout ; dans la préparation des liqueurs fermentées, nous ignorons jusqu’aux moyens qu’emploie la nature pour exécuter cette admirable opération. En un mot, il serait difficile d’indiquer quelque espèce de travail où la nature ne fasse pas une partie de l’ouvrage.

CAROLINE.

Cela est très-vrai ; et il ne faut qu’un instant de réflexion pour voir combien nous lui devons dans tous les travaux de l’art. Nous ne pourrions pas faire une montre sans l’élasticité naturelle de l’acier dont on fait le ressort ; et le ressort ne pourrait pas être fabriqué sans le feu, qui est un agent naturel soumis aux procédés de l’art.