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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

Quand on proposa d’établir en France une taxe des pauvres, le comité de mendicité la rejeta ; et à cette occasion s’exprima ainsi au sujet de celle d’Angleterre :

« Cet exemple est une grande et importante leçon pour nous, car indépendamment des vices qu’elle nous présente, d’une dépense monstrueuse, et d’un encouragement nécessaire à la fainéantise, elle nous découvre la plaie politique de l’Angleterre la plus dévorante, qu’il est également dangereux, pour sa tranquillité et son bonheur, de détruire ou de laisser subsister. »

CAROLINE.

Mais que faire ? On ne peut pas laisser le pauvre mourir de faim, lors même qu’il est fainéant et vicieux.

MADAME B.

Non, sans doute ; et de plus la femme et les enfants d’un très-mauvais sujet sont souvent les innocentes victimes de sa conduite vicieuse. Il y a d’ailleurs fréquemment des malheurs accidentels, qu’aucune prudence humaine n’a pu prévenir ; pour ces cas-là, on ne pourrait supprimer les établissements de secours, sans produire la plus cruelle détresse. Je ne sais à ce mal d’autre remède, que l’influence lente et graduelle de l’éducation ; en éclairant les esprits, on améliore les habitudes ; ce moyen relèvera les basses classes, et les empêchera de tomber dans cet état extrême de dégradation qui éteint tout sentiment d’indépendance et de dignité.

CAROLINE.

Mais, hélas, que d’années avant que ces heureux effets se fassent sentir ! Je suis impatiente de voir se répandre partout de tels bienfaits. Mais les progrès en ce genre sont si lents et si bornés, qu’il y a peu de chance de vivre pour en être témoin.

MADAME B.

Vous manqueriez peut-être le but si vous vouliez trop tôt l’atteindre. L’empereur Joseph II entreprit une fois de transformer subitement un mauvais gouvernement en un bon ; et en usant pour cela de mesures violentes et arbitraires, sans égards pour les habitudes et les mœurs du pays, pour les préjugés et l’ignorance de ses sujets, au lieu de les engager à coopérer avec lui, il excita chez eux un es-