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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Mais je pense que vous ne voulez pas qu’on enseigne aux ouvriers l’économie politique ?

MADAME B.

Non ; mais je voudrais que l’on tâchât de donner à la génération naissante une éducation, qui fit non-seulement des hommes moraux et religieux, mais des hommes laborieux, frugals, prévoyants. Plus on est instruit, et mieux on calcule les conséquences de ses actions : c’est l’enfant ou le sauvage, qui ne vit que pour le moment présent ; ceux que l’instruction reçue a accoutumés à penser, réfléchissent sur le passé et portent leurs regards sur l’avenir. L’éducation produit la prudence, non-seulement en donnant à l’intelligence quelque étendue, mais en adoucissant les sentiments, en inspirant de l’humanité, en développant les affections bienveillantes. Le rustre inconsidéré se marie sans prévoir, ou sans redouter les maux auxquels il va vouer sa femme et ses enfants ; celui qui sent le prix d’une vie douce et décente, évite de se plonger, lui et tout ce qui lui est cher, dans l’abîme de l’indigence.

CAROLINE.

Je suis heureuse de vous entendre dire que l’instruction peut produire de si heureux effets, puisqu’il en résulte que le zèle pour l’éducation des pauvres, qui a éclaté dans le cours de ces dernières années, est du plus heureux augure. Quelques années encore, et il sera impossible peut-être de trouver un enfant, qui ne sache pas lire et écrire.

MADAME B.

Les plus grands avantages, religieux, moraux et politiques, peuvent être espérés de cette ardeur générale en faveur de l’instruction des pauvres. L’éducation est le seul moyen d’opérer, dans les mœurs du peuple, une amélioration décidée et considérable. Il est difficile, impossible peut-être, de changer les habitudes des hommes faits, dont le caractère est formé et dès longtemps fixé ; les préjugés de l’ignorance, qui se sont affermis aven l’âge, ne céderont pas à des impressions nouvelles ; mais la jeunesse et l’innocence prennent les formes que l’on veut leur donner. Indépendamment des écoles et des divers établissements d’éducation, il y en a d’une autre nature,