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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

dustrie), aussitôt les mariages se multiplient ; il naît un plus grand nombre d’enfants ; et la population surpasse de nouveau les moyens de subsistance, en sorte qu’après quelques progrès passagers ; les pauvres retombent dans leur état précédent de misère.

CAROLINE.

Voilà précisément ce qui est arrivé dans le village dont nous sommes voisins. Ce n’était, à ce que j’ai ouï dire, qu’un petit hameau, dont les habitants gagnaient leur vie à travailler à la terre. Il y a assez longtemps qu’une manufacture de coton s’établit dans le voisinage, et fournit amplement de l’ouvrage aux pauvres ; les enfants mêmes, qui jusque-là n’avaient rien à faire, gagnèrent quelque chose. L’état des classes laborieuses en fut fort amélioré. J’ai entendu mon grand-père dire, que c’était une chose merveilleuse de voir combien les progrès de ce village avaient été rapides, que de nouvelles maisonnettes avaient été bâties, et que de nombreuses familles elles contenaient. Mais cet état prospère n’a pas été de longue durée. Avec le temps le village fut surchargé d’ouvriers ; et aujourd’hui il est tombé dans un état de pauvreté et de détresse, pire que celui dont il était sorti.

MADAME B.

Vous voyez donc que cette manufacture, qui avait d’abord enrichi le village, et aurait pu l’enrichir encore, est devenue un mal par l’imprévoyance des ouvriers. Si la population n’avait pas crû jusqu’à surpasser la demande de travail, la manufacture aurait pu leur procurer encore les mêmes avantages qu’au commencement.

CAROLINE.

Ce doit être sans doute la cause de la misère si générale dans les basses classes des villes de manufactures ; tandis que la facilité d’y trouver de l’ouvrage devrait, à ce qu’il me semble, y faire régner l’abondance et le bien-être.

MADAME B.

Cela prouve qu’aucune amélioration dans le sort des pauvres ne peut devenir permanente, s’ils ne joignent au travail la prudence et la prévoyance. Si tous les hommes étaient aussi réfléchis que votre jardinier Thomas ; s’ils attendaient pour se marier d’avoir fait