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Mille fois, nous sommes mille fois plus malheureux que toi ! Regarde Rahel ici et Abimelek. Crois-tu qu’ils triment, eux ? Ah, vois-tu, El nous a abandonnés. Malédiction sur Roum et leurs Goïïm. Mais aussi, nous savons leur jeter des sorts ; nous connaissons les herbes, nous pouvons les tuer par nos enchantements, ces fils de chien, qu’El les maudisse ! Mais, voyez-vous, Rahel et Abimelek, El n’est plus avec nous. Il est avec les révoltés, avec les Goïïm et leur damné Ieschau. On dit que ce Ieschau est mort là-bas en Kenaan. Ma foi, il était trop savant pour un rebbi : voyez-vous, mes enfants, il n’a fait que du mal. Nous ne sommes plus ensemble. Comme autrefois, nous autres Ioud. Voilà pourquoi cela va mal. Ah, qu’El les confonde, ceux qui adorent Ieschau. Ils sont contre nous avec les Roum — ah malheur ! malheur ! Sommes-nous encore ce que nous étions ? Nos hommes ont-ils encore la Mekilla ? Depuis ces damnés de Goïïm, nous sommes malheureux et poursuivis. Avant, les Roum nous laissaient en paix. Mais depuis Reb Ieschau (qu’El confonde — et pourtant il connaissait les saints livres) — depuis que ce fils de chien s’est levé, les Roum nous ont chassés et traqués comme des bêtes — et pourtant nous, nous étions tranquilles ; c’étaient eux, les Goïïm qui s’étaient révoltés ! Et maintenant, les Roum disent que nous buvons le sang des enfants le premier jour de Païsar, avec le premier morceau de matse et que nous adorons la bête impure, le porc, parce que Mosche le Voyant nous a défendu de le manger ! Et pourtant Rahel, Abimelek, nous n’adorons qu’El. — Vous savez comme on chantait dans la Mekilla :

Schema, Israel ! Adonaï elohaïnou, Adonaï ekhot.