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MARCEL SCHWOB

tion du poëme en prose qu’il a cherchée et parfois réalisée après Baudelaire.

Il était incapable d’ajouter un mot à une phrase ; ses corrections étaient surtout des variantes. Un battement, qui venait des siècles écoulés, allait mourir et s’épanouir en lui : c’était celui du monde oriental.

Car il avait tout l’Orient en lui, les mains molles de ses ancêtres qui n’avaient jamais travaillé ; et ses pieds ne semblaient pas faits pour marcher. De l’Orient aussi, il tenait le goût du mystère et de la terreur ; mais de l’Occident, il avait le cerveau clair. La Thora et le Talmud étaient pour lui choses périmées, un catéchisme oublié. Il était le Juif tel que l’aboutissement des siècles, la culture hellénique et française devaient le faire ; mais inconsciemment, il reproduisait le rythme des versets bibliques et traduisait son hébreu ancestral. En lui étaient le rythme et le nombre. On peut réciter ses poëmes, il n’y a pas une faute de rythme. Mais il ne faut pas dire que Marcel Schwob était obscur. Il était parfois difficile, comme les auteurs qu’il aimait. Il croyait que l’œuvre d’art appelle le commentaire. Mais ce serait folie que de prendre à la lettre son épître à Mirbeau sur l’obscurité. Il n’y a là que le reflet d’un snobisme passager sous le signe naissant de Maeterlinck.

Marcel Schwob n’a vécu que pour l’art, c’est-à-dire pour une traduction plus claire, plus grande de son âme. Jamais il n’a répété une formule parce que le public la subissait. Il rêvait toujours de choses puissantes. Il mourut pauvre, après avoir vécu comme un grand bourgeois. Voilà le Juif que fut Marcel Schwob.