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MARCEL SCHWOB

De ses maîtres, Marcel Schwob a reçu le respect de la discipline. Ce révolutionnaire en pensée n’aimait que l’ordre en littérature. Cette faculté d’ordre dans la création se traduisait par l’esprit méticuleux qu’il apportait dans tout ce qu’il faisait, apparaissait dans sa belle écriture, dans le soin qu’il prenait des copies mêmes qu’il exécutait. Car Marcel Schwob était double. Il luttait contre une sensibilité maladive, une pitié qu’il a si souvent traduite dans ses œuvres, et contre laquelle il se débattait parfois jusqu’à l’impersonnalité. C’est ainsi que Verlaine a touché si bien ce côté de lui-même, qui lui rendait insupportable toute injustice, toute souffrance.

La souffrance morale des autres, il la mesurait à ce qu’il aurait ressenti. À cet égard, Baudelaire, qu’il aima tant, est pour lui comme un frère chrétien, dont l’art classique et moderne réagit contre le romantisme de son temps.

L’art de Marcel Schwob n’est qu’un reflet de son caractère. Son talent, qui est supérieur, était fait de la domination de lui-même et de son sujet. La critique sera vraiment faite quand elle sera placée sur le plan de la création ; alors elle aura surtout pour objet de déterminer la qualité d’âme de chacun, la série de nos réactions, de celles de l’individu dans la suite des âges.

L’essentiel de cet art consiste à présenter une tragédie en quatre ou cinq pages, dans une langue que Marcel Schwob semble inventer, tant elle est frémissante de vie, rapide jusqu’à la brutalité, où le mot est toujours propre ; et quand il est impropre, on ne saurait guère lui trouver un équivalent. C’est du dessin (il faut se rappeler le goût de Marcel Schwob pour les vieux maîtres graveurs), et c’est