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Si l’amour est suivi de si poignantes peines,
Après avoir coulé des flammes dans nos veines,
Il faut te remercier, ô puissant roi du ciel !
De n’avoir pas mêlé dans nos coupes ce fiel.

INDRAH

J’écoute, stupéfait, l’écho de tes angoisses,
Et des gémissements de ton cœur que tu froisses !
Sundâri, ton honneur est-il encore aux cieux ?
Celui qui t’a séduit est-il parmi les dieux ?

KUMARA, prince des héros, se détachant de la troupe des jeunes gens, et se jetant aux pieds d’Indrah.

Je mérite, Seigneur, ta foudre et ton tonnerre ;
Qu’un Rakshasa vengeur en ses griffes me serre,
S’abreuve de mon sang comme d’une liqueur,
Qu’un vautour éternel vienne ronger mon cœur,
Ou qu’en un tourbillon flambant je disparaisse,
Parce que Sundâri, vierge, fut ma maîtresse !

Nous rêvions, insensés, un pays bienheureux
Où le Destin permît aux dieux d’être amoureux.

Elle avait des yeux noirs aux lueurs languissantes,
Des lèvres de lotus, roses et pâlissantes,
Un sein au ton nacré semblable au nénuphar
Quand la lune, en passant, lui lance un œil blafard,
Des cheveux qui flottaient sur ses blanches épaules
Comme un feuillage épais aux ramures des saules,
Des hanches se courbant en balancements doux,
Où les torches mettaient des embrasements roux,
Des endroits ombragés des noirceurs du cytise
Où le feu de l’amour s’apaise — puis s’attise,
De souples serrements, tordions voluptueux ;
Exhalant sa passion en cris tumultueux,
M’offrant à bécoter ses lèvres savoureuses,
Se pâmant, se cambrant en poses langoureuses.