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La Barricade

La barricade est faite, et tout a été mis !
Ils étaient là dix-sept, devant les ennemis !
Ennemis et soldats, unique et même chose !
Barricadez-vous donc ! — La barricade est close.
De loin on entendait leurs grands pas cadencés,
Et déjà le brouillard laissait voir, avancés,
Tout près, et pourtant loin : loin par la barricade
Et près par le fusil, des soldats. Par saccade,
On entendait au loin un bruit étouffé, sourd.
Et l’air autour de nous était devenu lourd.
Le cœur battait à tous, au peureux comme au brave,
Et nul ne plaisantait : partout le même air grave.
En haut, sur les pavés, s’élevait le drapeau,
Et chacun, jeune ou vieux, enlevait son chapeau.
Devant ce pauvre drap, devant sa courte hampe…
Malheureux ! Ecoutez… là-bas le soldat rampe…
Qui va là ! Tout à coup dit une horrible voix :
— Vive la République, et abattons les rois !
Le cliquetis de l’arme et aussitôt la grêle
Meurtrière tomba ; et mourut avec elle
Maint pauvre compagnon. Et alors un bruit sourd
Nous apprit que bientôt c’était à nous le tour
De mourir. Le canon ! le canon ! Ah, ma mère,
Je ne te verrai plus ! — Alors, d’une voix claire
Le chef les appela : “Montez sur les pavés !”
Au moins avant la mort nous les aurons bravés !

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Rendez-vous ! Liberté, Liberté bien chérie,
C’est toi que nous voulons avec notre patrie !