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sabine

bien ma fille, ma vraie fille et non celle de cet affreux lord Ellesmoore !…

— Oui, interrompit Renée, essayant de couper la conversation, et nous avons failli nous brouiller quand, à six ans, vous me la demandiez, et que je dus bon gré mal gré la voir partir à Paris… Là-dessus, mon ami, pardon de vous quitter, mais la fatigue m’accable ; j’ai dix heures de chemin de fer. Sabine ne vient pas me chercher, je vais la rejoindre, quitte à lui subtiliser son hamac si elle ne me donne pas un lit.

Elle se leva et voulut prendre un flambeau.

— Renée, demanda le peintre à voix basse, n’êtes-vous venue que pour me retracer l’éloge d’Arroukba ?

— À demain ! répliqua-t-elle, voulant s’échapper.

— Ne voyez-vous qu’Arroukba dans le passé ? continua-t-il en la pressant encore.

— Bah ! cessons de l’évoquer, ce passé, fit-elle en plaisantant pour éviter de répondre à une question directe ; vous me feriez croire que mon empire n’est vraiment plus de ce monde.

Il resta une minute, atteint par le jeu fascinant de ces paupières bombées qui se soulevaient lentement sur lui. Elle possédait encore ce calme étrange avec lequel on l’avait vue tant de fois pourchasser le troupeau de femelles qui s’était mêlé de glapir dans son chemin après sa séparation judiciaire ; ce regard qu’on sentait entrer en soi, aussi durement qu’autrefois, vous mangeait jusqu’aux moelles, et cependant Mme de Sérigny dépassait cet