Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

51
sabine

les deux tableaux, s’enlevant sur le fond neutre du salon, vous parlaient de ce xvie siècle, de cette génération si indépendante de peintres et de penseurs, et vous communiquaient cette invincible attirance de la matière, que Fromentin a caractérisée : « l’énigmatique et mortel regard des Jocondes ».

Cependant Sabine commençait à trouver que sa dignité lui coûtait cher, et elle s’ennuyait si fort qu’elle prit le parti de sortir de sa prétendue, somnolence et d’aller ouvrir le piano où elle joua des airs… qu’elle savait devoir exaspérer Duvicquet. S’apercevant que son manège ne lui attirait pas une syllabe de reproches, elle ferma violemment l’instrument ; très agacée, elle retourna se rasseoir en s’étirant les bras et en exécutant un bâillement formidable. À ce même moment, un coup de sonnette la fit sursauter.

— Enfin ! ce doit être elle ! cria la jeune fille en bousculant les meubles pour courir à la porte, et pénétrée d’une joie extraordinaire.

Duvicquet s’attendait probablement à ce que ce coup de sonnette lui amènerait, car il n’eut aucun geste de surprise lorsqu’un cri de plaisir étouffé lui révéla une présence qu’il paraissait attendre, lui aussi. Une femme de quarante-six ou sept ans à peu près, en costume de voyage, entra enlacée par Sabine, et reçut une vigoureuse embrassade de Duvicquet, qui songea mentalement :

— Je l’aurais parié !

— Est-il possible que ce soit là notre Renée de