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bureau, afin de n’être pas soupçonnés de donner dans la « gomme ».

On m’a présenté quelques députés. Je n’ai rencontré que d’honnêtes figures de passementiers, habitués à faire asseoir leur bobonne à table avec eux et à se lécher les doigts pour ne pas recourir à l’emploi des serviettes. Franchement, ce n’était pas encore mon affaire, surtout si je te disais que leur nez, assez froid le matin, se colorait en violet le soir. Lorsqu’ils vont à l’Opéra, ça suffit pour démonter les artistes, ce public-là. Et moi qui commettrais un crime sur n’importe quelle musique !… Ajoute que ma chambre nuptiale se dressait à mes yeux, tendue d’un papier glaireux, ayant aux murs les portraits du président de la République et du président de la Chambre des députés tout piqués de mouches… Juge si cette expression de l’art décoratif est faite pour porter au lyrisme !

Les femmes de nos professeurs qui, jadis, chez nos parents, avaient grand soin de ne pas poser leurs coudes sur la table, imaginent maintenant de donner des soirées en robe de poil de chèvre et en bottines de lasting. On a persuadé à mon tuteur qu’il fallait me conduire dans ce monde-là, et c’est peut-être parmi ces bonnes gens que j’ai pris ce tact de fille mal élevée qui lui déplaît si fort. Mais enfin, est-ce ma faute ? De plus, on m’assure que si ces dames reçoivent chez elles ainsi accoutrées, en revanche elles sortent en plein jour, arborant des diamants à leur ombrelle.