Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

42
sabine

quai : — S’il en est ainsi, je consens à y aller. — À la bonne heure ! m’a-t-il ajouté ; mais tu sais à quel point mes travaux m’absorbent, et pour y paraître, ma chère enfant, il faut que ce soit au bras d’un mari.

Le croirais-tu ? Il a prononcé avec peine ce dernier mot, et, par moment, je me demande s’il ne fait pas autant de sorties pour m’éprouver, et s’il serait bien difficile de persuader à cet homme, qui n’a d’autre souci que de se creuser la tête pour moi, qu’il me suffit d’être à ses côtés pour me trouver parfaitement heureuse.

D’ailleurs, quel parti veux-tu que l’on me trouve ? Est-ce parmi les fonctionnaires ? Le ministre actuel refuse tous ceux qui n’exhalent pas une forte odeur de pipe culottée dès son antichambre. Récemment on m’a parlé d’un malin, qui a enlevé sa nomination de secrétaire de la préfecture en ayant le bon esprit de cracher subitement sur le tapis et de se moucher dans ses doigts. — Le ministre a été touché d’une telle preuve d’éducation démocratique, et en signant sa nomination séance tenante, il a ajouté une apostille flatteuse.

Que veux-tu ? je ne veux pas penser à un mari fonctionnaire jusqu’au jour où il sera récuré, passé à l’eau de javelle et frotté dans les coins. — Maintenant, il y a encore quelques chefs et sous-chefs de ministère ; mais, afin de conserver leurs places et pour faire la cour au patron, ils trouvent bon de s’ingurgiter de l’ail chaque matin en allant au