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sabine

suis guère certain qu’il ne l’ait point qualifiée de délicieux crocodile. Cela ne l’empêchait pas de se mordiller les ongles, car il se voyait dans la position embarrassante qui consistait à tenir d’une main la traîne de sa robe, et de l’autre, une femme adorée. Seulement, il en vint à penser que les Chinois personnifiaient le bonheur avec une main pleine de riz, et il songea que les époques démentaient singulièrement les symboles.

Pendant ce temps, le harem était bouleversé. Les esclaves couraient ; on fermait les portes en fer ; deux ou trois cris de : « Attention ! Arrêtez-les ! » furent poussés. Henri déposa Arroukba dans une cuve en pierre mise à sec et resta debout, à côté, en expectative. Il tira de sa poche un petit revolver à six coups, écouta, et prit le parti de regarder à travers le treillis. Un quart d’heure se passa dans un tumulte indescriptible, les piétinements s’avançaient ou s’affaiblissaient dans l’éloignement.

Rani meh’rog ouenh’ébdek ! — Je brûle, je t’adore ! répétait Arroukba, empruntant des intonations à rendre fou l’Européen le plus blasé.

Duvicquet n’y tint pas, et, se penchant au bord de la cuve où elle se tapissait en grelottant et en jetant de petits cris, il l’embrassa. Une demi-heure s’écoula ; le bruit s’apaisait. Duvicquet se demandait s’il ne ferait pas mieux d’aborder carrément Ibrahim Bey en emportant sous son bras Arroukba demi-pâmée ; mais, après réflexion, il craignit qu’on ne la livrât à l’autorité. Arroukba le regardait dans