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Sabine recommença à éprouver des chatouillements de souffrances dont les aiguillons s’allongeaient dans sa chair. Elle finit par se coucher tout habillée sur le lit de Renée, se roulant dans la couverture ; et, lorsqu’elle fut imprégnée de tiédeur, il lui sembla éprouver une détente de muscles. Certaines lâchetés lui entraient dans le cerveau, mouillant le creux de ses mains. Elle songeait qu’ils auraient dû quitter la France comme tant d’autres boursiers qui ne se seraient point gênés pour fuir. À cette heure indécise qui n’est pas encore le jour, de nombreuses vérités vous entrent par tous les pores, tandis qu’on regarde au plafond. Sabine pensait à l’Orient où ils auraient pu disparaître, et cette nature excessive se trouvait soudain ressaisie d’une énergie singulière, d’une volonté ardente de recommencer la vie. Ah ! quand elle aurait vu Renée… l’une et l’autre repartiraient pour Paris… Mais, de moment en moment, un sursaut la regagnait : elle était à cette période qui, dans l’existence de certaines femmes, se résumerait très justement dans cette alternative : descendre plus bas, ou monter plus haut.

Le sommeil l’envahit pendant deux heures ; mais le coup de cloche du facteur lui causa un tressaillement ; des voix résonnèrent dans l’escalier, la vieille bonne entra apportant des paquets de lettres.

— Il paraît qu’il y a là des choses qui intéresseront madame, dit-elle en choisissant un journal et le remettant à Mme Raimbaut ; le facteur assurait