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dait à cette société qui, un instant, ne demandait qu’à la chasser. Ce que le monde qualifiait bel et bien de liaison incestueuse contribuait plus à faire de Sabine une de ses créatures, en excitant autour de sa personne l’appât d’une immense réputation d’amoureuse, que n’aurait pu l’établir une liaison très naturelle avec un homme du monde. Un adultère dans les limites ordinaires de l’adultère rencontrait des lois sociales et ultra divines pour sa condamnation. Mais un inceste ! Chez celle qui le commettrait il fallait un tempérament qui dépassât les bornes devant lesquelles s’arrêtent les vulgaires fauteurs. Il fallait s’avouer susceptible d’aimer jusqu’à la rage, jusqu’à l’épuisement de la dernière semence amoureuse de l’humanité ; il fallait être au-dessus de toutes les hontes, rire de toutes les humiliations, se déclarer plus forte que les plus cyniques. — Et se dévoiler capable d’une telle puissance, c’était déjà se trouver victorieuse.

Mme Raimbaut n’avait donc pas eu tort en tâchant d’escompter l’effrayant prestige de sa liaison avec Duvicquet. Elle calculait non sans une âpreté de désespoir aiguë qu’elle pouvait exploiter cette situation et en extraire deux cent mille francs. On ne l’accuserait, certes, point de trop présumer de sa gloire, comme elle le répétait ironiquement ce matin-là à Mme Varlon qui la recevait, ayant aux lèvres un atroce sourire de vieille.

— Je pense comme vous, ma belle, répliqua Mme Varlon en allant rajuster pour la cinquième ou