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sabine

rompit-elle. Je vous le répète, en vous demandant si j’avais quelque physionomie, je formais simplement le souhait d’entrer au théâtre.

— Parfait ; maintenant, autre guitare. Vous croyez qu’on y entre pour accomplir une fin, comme aux Carmélites ? La société ne veut plus de moi… Allons chez les comédiens, la porte à côté… On sera trop heureux de recevoir la femme du monde momentanément déchue. D’une part, je fais la nique aux bourgeois ; de l’autre, beaucoup d’honneur à l’art dramatique…

Mais Sabine releva soudain la tête, une tête de Pythie souffrante et inspirée.

— C’est cela, insultez. Ah ! vous croyez que je ne suis pas taillée pour interpréter la passion ? Mais savez-vous seulement ce qui donne aux femmes ces yeux bordés d’anchois, comme on s’exprime dans l’argot populaire ? Savez-vous en quoi consistent ces mouvements de fureur jalouse qui sont la cause que, pour celui qui en est atteint, le soleil est sans chaleur, et le froid sans action ? Dans le relâchement des doigts d’une amie serrant les vôtres, vous est-il arrivé de pressentir de futures trahisons ? L’église vous est-elle apparue souvent comme un monument de duperie où les sourires pâles des hystériques allaient réclamer du dieu caché des jouissances honteuses ?… Dans certains silences, avez-vous eu un frisson mortel qui vous disait : « Prends garde, tu vas aimer ! » Le battement monotone d’un balancier, qui prétendait