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prologue

fumaient ; l’encens exsudait des percées du cuivre. À la faveur de ce voile bleuâtre, glissant subitement, Duvicquet arriva près d’Arroukba et lui balbutia :

— Je suis là !

Elle répliqua :

— Aqbal ! aqbal ! — Bonheur ! bonheur !

Il la vit se diriger vers un divan de cuir, et ferma les poings de rage de ne pouvoir encore l’attirer près de lui. À chaque instant il redoutait d’être deviné sous son costume de soie violette, dont ses deltoïdes menaçaient de crever les manches.

Ce n’était pas un spectacle banal que ce groupe de jeunes barbares, vaguement initiées à la civilisation européenne, recevant cette soi-disant Anglaise que représentait un peintre français. De taille plutôt moyenne que grande, le galant aventurier, assis, pelotonné à l’orientale, offrait peu de prise à la critique ; sa tête seule attirait l’attention. Or, cette tête possédait un front merveilleux, un front coupé comme une butte, au-dessus duquel la pensée bourdonnait, creusé de ci, souriant de là, tantôt mou, tantôt brutal, et où se lisaient les grondements d’une nature en ébullition, pareille à une terre perpétuellement secouée dans ses couches de salpêtre. Les paroles s’humectaient de lumière aux angles de la bouche et sous les narines un peu fortes. Les yeux, d’abord indécis, n’accentuaient leur nuance qu’à la montée de l’idée dans l’esprit, de l’idée, qui ne jaillissait que tordue sous l’enve-