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sabine

L’enfant se pressait contre le sein de cette femme, aux yeux sauvagement doux, à la peau parfumée, qu’elle n’avait pas vue depuis les dernières vacances, mais dont le langage arrivait toujours droit à elle. La jeune fille et la femme d’un âge mûr se parlaient en sourdine, comme si on eût senti des pleurs sous le baiser donné.

Mme de Sérigny subissait elle-même inconsciemment la chaleur engourdissante de ces deux bras minces qui l’enlaçaient timidement d’abord, et qui, ensuite, se rivaient derrière son cou, pendant que la tête chaude de sa petite amie reposait sur son épaule. Renée, enfoncée dans son grand fauteuil, les pieds au milieu des cendres, la gardait blottie frileusement entre ses genoux. Sabine ne délogeait guère de cette position favorite. Renée massait de ses doigts fins ce corps frêle qui éprouvait le besoin des câlineries et qui traversait la période où les enfants souffrants se pressent indolemment dans les bras de ceux qui les aiment. Et de ses yeux de jouisseuse triste, Renée la couvait en silence, aimant dans la plénitude de ses forces ce qu’elle regardait comme devant atteindre un jour l’expression du vice frêle, élégant, nerveux.

Il fut donc facile à Mme de Sérigny de reconnaître que sa pupille possédait ce tempérament dont on meurt vite quand on ne réussit pas à dompter les milieux dans lesquels il existe ; heureusement, Sabine était en état de se mesurer à l’envie. Sûre de l’appui de Renée, elle se disait que le moindre levier