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Dans ses seins à peine poussés s’accusait une vague rébellion, et sous le frémissement d’un baiser trop précoce, ils sortaient lentement de la dure incubation de marbre de la puberté. Le peignoir gris, trop large à cette poitrine d’enfant, ne s’ouvrait pourtant qu’après un effort d’Henri. La doublure de mousseline exprimait un susurrement d’amour, comme si elle eût servi de pelage à quelque jeune bête en rut. Dans ce vêtement s’étaient dépensées les moindres gesticulations voluptueuses que l’amant s’obstinait à chercher entre les plis désirés.

Henri palpait dans un même attouchement la batiste, la valenciennes, la peau nue, et, pendant qu’il pressait dans une convoitise d’avare les monceaux de linge imprégnés de pâte d’amande, pendant que ses sens goulûment ouverts absorbaient les friandises voluptueuses de la vue et de l’odorat, un ronflement trahit la respiration de Raimbaut à travers la cloison, et fit passer une pointe de grotesque dans cette scène.

— Comme il dort ! ne put s’empêcher de remarquer Sabine.

Et pourtant, cette puérilité les tenait une minute en suspens ; ce sommeil trivial d’un mari entrant tout à coup dans leur amour parfumé les gênait sans qu’ils sussent pourquoi. Ce grossier résonnement des fosses nasales jetait sur eux comme un ricanement. Henri sentit chez Sabine le refroidissement de l’épiderme.