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qui la mordait aux endroits irritables dans son enfance, croyait rêver en présence de cette attitude désarmée. L’inattendu de la situation, le bouleversement qui en résultait lui prenaient la tête et les sens. Alors qu’elle se serait moquée d’une déclaration en règle dans la bouche d’un homme du monde, ce qu’elle rencontrait de fauve et de rudoyant dans les caresses de Duvicquet la domptait, l’entraînait.

Ses instincts hardiment transplantés dans un nouveau sol, achevaient de pousser sous l’effet d’une végétation maladive, et il s’ensuivait qu’une autre femme s’incarnait en elle, chassant la première. Les réalités du ménage disparaissaient, balayées par les turbulences d’une crise qui, de minuit à trois heures du matin, l’emportait à franchir pour la chambre de son tuteur le lit où Raimbaut pouvait s’apercevoir subitement qu’elle venait de le quitter. Cette vie nuancée de caprices ou d’abattement, de mystère ou d’appréhensions, présentait à Sabine l’effet d’une décoration changeante dans laquelle ses pieds n’étaient pas toujours d’aplomb.

— Aurais-je constamment aimé mon mari, demandait-elle à Henri, si je ne t’avais pas connu ? Non, c’est probable ; il aurait fallu malgré tout finir de cette façon. Eh bien, autant le tromper maintenant qu’après une lutte où je me serais usée à me défendre.

Le même soir où M. Raimbaut dormait si paisiblement, elle endossa rapidement une robe de chambre en cachemire gris à revers roses, sortit