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ont encore un surnaturel empiétement sur tout le reste. À leur contact le déshérité retrouve le choc précieux des choses exquises qu’il ne saurait acquérir : opulence des étoffes, splendeur des matériaux, exquisité des sourires de femme, fastuosité des demeures féeriques où l’imagination enferme la déité inconnue qui tôt ou tard opère une irruption dans la vie, et se mêle à la destinée pour la couronner ou l’assombrir. Ce que le rêve implore de la réalité, les vieux maîtres le font ruisseler sous les regards du contemplateur, qui s’en retourne du cénacle où ils résident vaincu dans ses rages, ou vaguement consolé dans ses désespoirs.

Le peintre traversa assez rapidement trois salons, et s’orienta dans la galerie conduisant à l’école italienne. Des tremblements de lueur jaune signalaient les fonds d’or d’où partaient, comme un essaim de chimères célestes, les longues vierges byzantines vêtues d’azur et de rose. Quelques-unes posaient, immobiles, tenant en main le grand lys hiératique, au calice largement ouvert comme pour boire le jour intime, mystérieux et doux que lui versait une nuée ; et, toujours sous le coup d’une émotion puissante, le peintre croyait noter à l’aube de la Renaissance, dans l’ébauche encore raide d’une draperie, le premier tressaillement d’un maître, retenu par un effroi superstitieux, une crainte auguste, au moment de briser les vieux canons de l’art byzantin ; il allait s’élancer dans la galerie de droite, qui conduit à l’école française, lorsque, par un mouvement inconscient,