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sabine

Maëlstrom me trouvait quand même errante et désolée autour de ses affreux récifs.

— Où veux-tu en venir ? lui demandait-il sans cesser de la caresser et riant des souvenirs qu’elle évoquait.

— Attends donc. Sache seulement que la nuit de mes noces, cette phrase de mon tour du monde me travaillait la mémoire : « — Je longe les îles de Tromsen — j’évite le gouffre de Maëlstrom… »

— J’y suis, interrompait le peintre. Raimbaut a doublé paisiblement son cap… lui…

— Et toi, achevait-elle en le menaçant du doigt, tu auras été le gouffre, le fameux gouffre de Maëlstrom ?…

— Mais au moins, reprenait-il en riant toujours, tu n’auras pas tordu tes bras de désespoir, en apercevant l’écueil, n’est-ce pas ?

— Mes bras, ajoutait-elle, sur le même ton, je les tords au-dessus du sinistre abîme — tiens, comme cela…

Et elle se suspendait à son cou.

— D’où il s’ensuit que tu ne m’en veux pas de démarquer le linge de Raimbaut, pour… le marquer à mon chiffre, n’est-ce pas ?…

Et il recommençait à la tenir tremblante, agitée, rougissant, malgré tout, comme si elle parlait pour la première fois, se défendant mal, reculant de lui pour se mieux laisser reprendre ensuite.

La faim qu’il avait eue d’elle pendant près de deux années se réveillait vorace ; c’était une faim qui ne s’apaisait pas ; ses sens, fatigués d’avoir été