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quelles paroles, car elle sourit, imposa silence à son gardien par quelques mots prononcés très vite. Je ne pus causer avec elle qu’en grec, entendant assez peu la langue des houris. Grâce à quelques poignées de piastres que je donnai à son exécrable guide, et aux deux muets postés à distance, — car elle n’avait point de saïs, — grâce aux menaces qu’elle ne leur ménagea point, nous obtînmes de prolonger l’entrevue. J’appris son nom et je sus où elle habitait. Elle m’engagea à me rendre le surlendemain à cette même place ombragée, et repartit, traînant ses babouches.

Très inutilement je me postai, le jour indiqué, sous les ramées de Choubrah. Chose singulière, alors, l’esquisse qu’il m’avait été impossible de fixer sur mon papier teinté lorsqu’elle était là, revint sous mes doigts, franche, précise, lumineuse. Il y a dans ces singulières natures de l’Orient quelque chose qui a toujours l’air de s’offrir à l’homme, et qui ne le provoque jamais par les côtés ordinaires. Je traçai sur les tempes cette veine de la volupté, sinueuse, bleuâtre…

— Laissez donc, interrompit Mme de Lupan, c’est votre fantaisie qui a créé votre Orient, à vous ! Les musulmanes des Batignolles sont plus belles que celles-ci, au moins vous le prétendiez hier.

— Oui, mais je n’invente rien cette fois. Représentez-vous un trait de crayon pour accuser la double tunique ; quatre ou cinq afin de planter le col hardiment, et en détacher une tête pâle comme