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der un Bellevillois en face ; et elle ajouterait que traiter ces gens de canailles, de gueulards, n’a rien qui les puisse atteindre, puisqu’ils savent bien ce qu’ils sont, tandis qu’en votre bouche, ces mots-là donnent beau jeu à la réaction. Du reste, ajouta Armengaud, je vous avais prévenu que la salle serait dure à reluire, et ce n’était pas avec un discours engraissé de quelques je et de quelques moi qu’on devait la prendre ; il fallait y aller de biais, la saisir au flanc ou par les côtés. Voilà. L’important, maintenant, c’est de faire manœuvrer Carlamasse.

— François, le préfet attend-il toujours ?

— Je vais voir, Monsieur, répliqua le domestique, sans attendre un signe de Barras.

— Que voulez-vous ? reprit le jeune homme. La vérité est pour les masses comme pour les femmes : elle leur arrive souvent par des voies inconnues, mais elle leur arrive. Il est certain que, si faciles à entumultuer qu’elles soient, elles se méfient aujourd’hui autrement qu’hier ; il faut donc jouer serré. Du moment où vous avez voulu appartenir à la classe dirigeante, vous avez éteint vos colères ; alors, vous avez cessé, pour vos mandataires, d’être grand et excessif. Or, ce qui est excessif, seul, convient à ces drôles. La tâche d’obliger ces gens-là à croire au bonheur n’est pas mince, et cela me paraît impossible pour vous. À présent, ce que je rêverais plutôt, ce serait une alliance avec l’étranger ; à ce prix vous pourriez peut-être dire : « Ce serait m’élever encore que de descendre de la sorte. »