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prologue

convenus ; on n’en est guère quitte à moins d’un combat d’où l’on revient presque toujours éclopé. Quand, amis et parents se sont disputé le cercueil, en se l’arrachant avec des vociférations, c’est qu’il ne s’agit plus d’en rester là, mille dieux ! À peine le mari enterré, ses femmes sont tenues, chaque jour, à la même heure, de pousser des hurlements et d’assourdir les voisins. Quand la voix leur manque, elles frappent sur le tarabouk et tirent des coups de pistolet. — Au besoin, — je n’invente rien, — on appelle les bonnes amies à la rescousse… et allez donc !… Ça donne du renfort et on crie de compagnie. Que le prophète me préserve de rendre des visites de condoléance aux femmes haut placées. J’aime encore mieux la gigue — non, l’enterrement du populo, où l’on chante : tra la la illah il Allah… en se trémoussant comme des diables. — On ne comprend pas ce que ça veut dire, mais les gens vous en savent gré quand même. Et on a la satisfaction, lorsque l’on s’est démené en conscience, de ne pas rapporter de horions.

La comtesse haussa les épaules, en femme qui s’apprête à répondre : — Vous n’avez pas tout vu.

— Si j’ai bien entendu, poursuivit le peintre, vous venez de me combler en me proposant de me présenter à ce marchand levantin ?

— Moi ? c’est trop fort ! Je ne vous ai rien proposé de pareil. Je vous répète que je ne connais point cet estimable négociant.

— Alors, je ne comprendrai jamais.