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SONNET.


LOn ſe trompe, anciens, d’écrire qu’en voſtre âge
L’amour n’auoit point d’yeux , il en auoit deux beaux :
Mais vous n’auez pas veu ces celeſtes flambeaux,
Deſquels depuis vint ans il a perdu l’vſage :

Amoureux, aprenez comment ce dieu volage
Voulut perdre le feu de ces aſtres gemeaux :
Ne blámez mes diſcours pour eſtre trop nouueaux,
Philis a de mes vers le viuant témoignage.

Lors que Philis nâquit, pour l’orner de beauté,
Chaque Dieu d’vn rayon de ſa diuinité,
Fauoriſa le point de ſa belle naiſſance.

Mais voulant ſurpaſſer l’effort de leur puiſſance,
Pour luy faire vn preſent, Cupidon aima mieux
En deuenir aueugle, & luy donner ſes yeux.