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le charme de l’histoire

de Guise et Mme la duchesse de Richelieu, qui furent avertis à temps de ce qui se préparait, en prévinrent l’éclat en envoyant ordre qu’on laissât entrer cette justice furibonde ». Le grand Prieur du Temple dirigeait de son carrosse l’expédition ; fils naturel du Régent, il était un de ces personnages qui se croyaient mis par leur naissance au-dessus des lois. C’est à lui du reste que donna tort le Grand Conseil, appelé à juger le conflit entre le Bailliage du Temple et le Châtelet.

Le désordre est partout, même dans le sein des Tribunaux. Les Membres du Parlement sont en guerre avec leur Premier Président, pour une question de prérogative, et pendant plus d’un mois ils refusent de tenir audience. Les avocats refusent de plaider, tantôt devant le Châtelet parce que le Lieutenant-civil prétend les obliger à prêter serment entre ses mains, tantôt devant le Parlement, parce qu’un avocat-général, plaidant dans une affaire particulière, ce qui était admis alors, a parlé en dedans de la barre, au lieu de rester en dehors, comme les avocats. Ces querelles interrompent le cours de la justice ; mais qu’importe ? Nul ne veut abandonner ce que, dans le langage moderne, on appellerait son droit, ce qu’on appelait alors son privilège.

Tout, en effet, dans cette société issue de la féodalité, avait pris la forme d’un privilège. C’était un