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lettres de dubuisson

leur brevet prononcée contre eux pour les avoir publiés ; il ne pouvait, sans y être assailli de fâcheux procès, se hasarder à Paris, quoique le lieutenant de police voulût bien quelquefois l’autoriser à y venir, « à condition qu’il n’écrira plus, ni sur la religion, ni sur le gouvernement. » — « Je serais fâché, dit Dubuisson, que M. de Voltaire fût réduit à s’expatrier ou à essuyer la lecture d’une grâce ou d’une mercuriale sur la sellette, comme l’abbé Desfontaines l’a essuyé le mois passé pour le discours qu’il avait prêté à l’abbé Séguy[1]. Le pauvre abbé Desfontaines a bu le calice jusqu’à la lie ; encore dit-on qu’il a fallu qu’il payât tous les dépens de la procédure. Peu de gens l’en ont plaint, et peut-être que bien peu aussi plaindraient M. de Voltaire, si le même malheur lui arrivait. On hait l’un parce qu’on le craint, et l’autre parce qu’on le jalouse. »

Dubuisson aurait pu ajouter qu’on les estimait peu l’un et l’autre. La vie irrégulière des hommes de lettres, leur défaut de dignité, les procédés peu délicats qu’ils se permettaient envers le public et entre eux n’étaient pas de nature à attirer sur eux la considération. Ajoutons que, comme l’éprouva Piron, ce siècle licencieux ne leur pardonnait pas la

  1. Discours que doit prononcer M. l’abbé Séguy pour sa réception à l’Académie française.