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du droit sur les documents historiques

prudence le leur a reconnu. Le public, qui juge à son tour leurs arrêts et qui parfois les critique, n’a jamais songé à s’élever contre le principe même de leur intervention.

Peut-être y aurait-il lieu d’établir sur ces derniers points, toujours sous le contrôle des tribunaux, encore une autre· distinction. Admettons que je ne puisse publier, à cause ·de l’opposition de la famille, le texte intégral d’un manuscrit que j’ai entre les mains. N’aurai-je pas au moins le droit de me servir, pour établir une thèse historique, de ce que je lis dans ce manuscrit ? Ce n’est plus là une publication proprement dite, telle que pourrait la faire le propriétaire de l’œuvre ; ce n’est plus l’exploitation pécuniaire de la propriété littéraire ; c’est l’usage légitime d’un document que j’ai le droit de ne pas ignorer. La distinction est peut-être difficile à établir juridiquement ; elle satisfait pourtant la raison ; elle repose sur la différence qui sépare du droit pécuniaire le droit moral, que ce droit soit revendiqué par l’auteur ou par l’historien. La conscience publique saura faire cette différence ; ce qui la blesserait si je n’avais d’autre visée que de gagner de l’argent ne la choquera plus quand mon but exclusivement intellectuel sera seulement d’éclairer une thèse de science ou d’histoire.

Il va sans dire que les lois sur la diffamation resteraient applicables, et que d’ailleurs, là encore,