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du droit sur les documents historiques

appartient à l’histoire, ou d’un homme particulièrement bien informé sur un fait intéressant et peu connu, ou même quand, émanée d’un personnage obscur et sans intérêt par lui-même, la pièce révèle un trait de mœurs curieux et oublié. Ici commencent les difficultés ; ici nous serons obligé de faire, suivant les circonstances, suivant le caractère ou la date de la pièce, peut-être aussi suivant la notoriété plus ou moins grande de celui qui l’a écrite, une série de distinctions souvent fort délicates, et d’où il semble impossible d’écarter entièrement l’arbitraire.

Supposons d’abord que, dans la pensée de celui qui l’a écrite, la pièce était destinée à être un jour imprimée. Il s’agit, par exemple, de mémoires. Un personnage obscur ou célèbre les écrit pendant les loisirs de sa vieillesse, pour se donner, en racontant les faits dont il a été le témoin, l’illusion d’agir encore ; pour se venger de l’injustice du sort qui lui a refusé une destinée égale à son mérite ; pour prouver, en jugeant ses contemporains, qu’il leur était supérieur ; parfois aussi, tout simplement, pour laisser après lui la trace aigrie de ses rancunes. L’auteur ne manque jamais de les faire précéder de ces mots : « Je les écris pour mes enfants ; je ne songe pas à les publier moi-même ; mais dans quelques années, quand auront disparu tous ceux dont je rappelle les noms, peut-être paraîtront-ils